dimanche 25 février 2018

Petits et grands miracles

On apprenait il y a quelques jours que l’évêque de Beauvais avait, sur la foi des résultats d’une minutieuse enquête, reconnu le caractère miraculeux de la guérison de la sœur Marguerite Moriau. Cette religieuse, aujourd’hui âgée de 79 ans, a pu recouvrer l’usage de ses jambes en 2008 après un pèlerinage à Lourdes. C’est, nous dit-on, le soixante-dixième miracle survenu à Lourdes à avoir été reconnu par l’Eglise.
Naturellement, un tel événement n’aura pas manqué de faire ricaner quelques disciples de M. Homais. On ne sait trop que faire, à part prier pour peux, pour éclairer ces esprits enténébrés par la poussière. Ils en sont restés, les pauvres, aux caricatures voltairiennes assimilant la foi et les miracles à un néfaste bric-à-brac superstitieux dont la science débarrassera enfin les hommes. « Un jour, saint Dunstan, Irlandais de nation et saint de profession, partit d’Irlande sur une montagne », écrivit Voltaire au début de L’Ingénu : c’est amusant, certes, mais ses disciples, moins talentueux, sont aussi beaucoup moins drôles et peuvent en gros être considérés comme des raseurs très ordinaires, au moins depuis 1778.
Ces raseurs devraient d’ailleurs tenir compte de la prudence avec laquelle l’Eglise reconnaît le caractère miraculeux de telles guérisons, en s’appuyant notamment sur l’avis de médecins pas nécessairement chrétiens. Ils apprendraient qu’une part de mystère demeurera toujours, aussi réduite soit-elle en apparence, que tout esprit vraiment scientifique reconnaîtra : ainsi, un mien collègue qui a étudié l’astrophysique me rapporta un jour ces propos d’un de ses professeurs : « Comment, c’est une question que vous pouvez me poser. Mais si vous voulez savoir pourquoi, c’est à Dieu qu’il faut demander. »
On pourrait dire de tels miracles qu’ils en sont de grands. Il est fort probable qu’il s’en produit de nombreux autres qui resteront ignorés, grands ou petits. Surtout les petits.
Que sont ces petits miracles ? Des signes qui nous sont adressés pour que nous persévérions en toute simplicité dans la foi, l’espérance ou la charité. Un petit miracle, ce peut être la disparition subite et incompréhensible d’une gêne ou d’une douleur, ou encore une rencontre avec une personne qui nous témoignera de sa bienveillance ou à qui nous témoignerons de la nôtre. Personnellement, j’ai fait l’expérience, il y a quelques années, visitant en simple touriste le mont Sainte-Odile, la subite (et certes momentanée) disparition de cors au pied gauche qui s’étaient réveillés en fanfare depuis quelques jours, peu après avoir appris que l’une des grandes vertus de cette sainte était la patience et avoir furtivement prié pour connaître ne serait-ce qu’un peu de cette vertu notamment pour supporter les banales douleurs de mes extrémités. Et nous aurons tous rencontré un jour ou l’autre une personne qui, de manière inattendue et improbable, nous aura secourus ou que nous aurons secourue. Voilà pour les petits miracles, souvent dérisoires en apparence. On conviendra qu’il n’est guère opportun de les crier sur les toits ou d’encombrer l’Eglise, en tant qu’institution, en en demandant la reconnaissance. Mieux vaut discrètement rendre grâces.
Observons au passage que ces miracles ne sont pas tous des guérisons. Revenons d’ailleurs aux grands miracles. Une intuition m’est venue à la récente lecture d’Aveuglements, intéressant essai de Jean-François Colosimo. Il y est fait par deux fois un peu plus qu’allusion au martyre du père Hamel, assassiné à Saint-Etienne-du-Rouvray par deux possédés (je reprends l’appellation que leur donne M. Colosimo, qui me semble fort juste) alors qu’il célébrait la messe, le 26 juillet 2016. Ainsi, page 521 :
« Il est égorgé au pied de l’autel où il vient de célébrer l’eucharistie par deux jeunes islamistes qui ont embrassé le djihad. Du jamais vu depuis la Terreur. La République vacille. L’Etat redoute le pire. Des représailles. La loi du talion. Un embrasement. Le chaos de la violence primitive, fondatrice, immaîtrisable. L’Elysée est saisi de stupeur. De même, Matignon, Beauvau. [… Les mots] tombent de la bouche de l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, qui évoque Dieu, le jugement, le pardon, l’Eglise qui "ne peut prendre d’autres armes que la prière".
[…] Pour rendre grâces de ce miracle, le président de la République, François Hollande, se rend à Rome ; le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, à Lourdes. »
Le père Hamel ne serait-il pas pour quelque chose dans ce miracle ? Le même essai rappelle (page 540) quelles furent ses dernières paroles : « Pars, Satan ». Il précise aussi qu’elles ne s’adressaient pas à ses assassins : il était un peu tard pour cela. Non, où le diable pouvait encore se faire plaisir, c’est bien dans le déchaînement de vengeances qui était à redouter, évoqué plus haut, et qui n’eut pas lieu. Au-delà des salutaires paroles du Mgr Lebrun, elles aussi évoquées, il ne faut pas oublier le pouvoir de chasser les démons conféré par le Christ à Ses apôtres, dont le père Hamel sut fort opportunément faire usage.
Il va de soi, cependant, que le caractère miraculeux de ces paroles, à savoir leur effet sur la situation du pays dans les jours qui suivirent, est une hypothèse que j’avance humblement et avec prudence.

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