jeudi 15 février 2018

Les marronniers blanchissent (parfois) en hiver

L’homme est une créature étonnante, ce que l’on sait au moins depuis Alexandre Vialatte. Autant dire que ses bizarreries « remontent à la plus haute antiquité ». En particulier s’il est Parisien : il lui arrive de s’étonner de voir tomber, en quantités variables, de la neige en février.
Ainsi, il y a peu de jours, Parisiens et banlieusards furent en bon nombre scandalisés de ne pouvoir se déplacer exactement comme d’ordinaire à cause de douze centimètres de neige. On en a vu s’affoler aussi, dans les jours qui ont suivi, dès qu’un flocon faisait son apparition, pareil au signe de la prochaine récurrence d’un cauchemar que l’on croyait fini. Les autorités ont décliné toute responsabilité dans le chaos d’automobiles et de trains bloqués auquel nous avons pu assister. Selon Mme Hidalgo, maire de Paris, à quoi bon, pour les collectivités, s’équiper pour des « épisodes neigeux » qui n’ont lieu que tous les trente ans ? Bon, les dernières averses de cette ampleur à Paris me paraissent remonter à mars 2013 : le quinquennat de M. Hollande aurait-il été ennuyeux au point de donner à Mme Hidalgo l’impression d’avoir vieilli de trente ans en cinq ans ? A moins que ce ne soit le poids de ses responsabilités de maire…
Il n’aura donc été question en France, pendant quelques jours, que de la neige à Paris, ce qui aura fait de nous la risée de certains provinciaux, voire d’étrangers plus habitués à ce phénomène météorologique somme toute ordinaire sous nos latitudes. C’était à croire que ce tintamarre était orchestré pour nous éviter de penser au reste, sachant que nous sommes bon public en ce domaine[i].
Ne faisons point trop le blasé cependant : la neige à Paris, sans être exceptionnelle, est assez rare pour provoquer l’émerveillement de quelques-uns, dont votre serviteur. Tout ou à peu près tout ayant été dit maintes fois et depuis longtemps sur les plaisirs[ii] et les beautés de la neige en ville, ainsi que sur ses menus désagréments et ses grandes cruautés, je n’en ajouterai pas une couche, si j’ose dire.
Toutefois, il y aurait quelques remarques à faire.
Premièrement, voir tomber de la neige en février à Paris me rassure : il y aurait donc encore, de temps à autre, des restes de saisons ; jusqu’ici, à Paris, cet hiver avait des airs d’octobre éternel, ce qui est éprouvant pour les nerfs.
Deuxièmement, l’homme moderne est décevant : il ne résiste plus aux saisons. Paris a connu, de mémoire d’homme d’âge moyen, des hivers bien plus longs et rigoureux, au cours desquels l’hyperbole était moins de mise qu’aujourd’hui. Quelques jours de gel n’étaient point annoncés comme un cataclysme. Les bavardeurs de radio et de télévision incitaient, certes, à la prudence et au port d’une petite laine, mais on en restait souvent là.
Troisièmement, rappelons sans nous en lasser qu’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’il gèle pour accorder un peu d’attention et de soins aux plus pauvres. Ne le faire qu’à ce moment-là risque fort de mener à les abandonner à leur misère une fois les beaux jours revenus.
Quatrièmement, nous devons reconnaître un mérite aux rigueurs – même limitées – de l’hiver. Elles nous rappellent que nous ne sommes pas maîtres de la nature. Nous ne pouvons en faire ce que nous voulons, et c’est nous qui devons composer avec ses caprices, non elle avec les nôtres. Il ne serait pas absurde de vivre à un rythme moins frénétique quand les éléments nous l’imposent.


[i] En lisant un titre dans le blogue de Patrice de Plunkett (voir ici), j’ai cru d’abord sentir l’agacement de son auteur devant une telle insistance, avant de comprendre qu’il informait ses lecteurs de l’annulation d’un débat auquel il devait participer, du fait des intempéries.
[ii] On nous aura donc servi ce marronnier de saison : Montmartre transformé en éphémère station de ski ; il doit exister en film d’actualité en noir et blanc avec commentaire nasillard, en reportage de télévision, et maintenant en vidéo sur internet. On n’arrête pas la progrès.

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