dimanche 28 août 2016

Trumperies

Les rumeurs, les bruits étranges et les interprétations farfelues d’événements ou de circonstances compliqués ont toujours existé. Mais les moyens dont dispose aujourd’hui presque n’importe qui pour les inventer et les répandre constituent un puissant engrais favorisant la floraison anarchique de ce que l’on appelle les théories du complot. Leur diversité les fait aller des plus solides aux plus fantaisistes, et de ceux qui les échafaudent à ceux qui s’acharnent à les réfuter, en passant par ceux qui les répandent, il est aisé d’imaginer qu’elles mobilisent de grandes quantités d’énergie. Pourquoi pas ? Après tout, c’est un passe-temps comme d’autres. De même que l’on peut jouer au bilboquet, collectionner les timbres ou même faire l’intéressant en rédigeant un blogue où l’on prend des airs pince-sans-rire, on peut bien disserter indéfiniment pour ou contre telle ou telle théorie du complot ou révélation dérangeante.
Outre constituer un passe-temps que d’aucuns trouvent stimulant, le traitement de ces raisonnements (ou de ces délires, selon le point de vue) est assez commode : il fournit, premièrement, un emploi à quelques journalistes spécialisés dans le fact-checking ; ensuite, il permet à quelques cerveaux épris de simplicité une explication rapide à tout ou presque ; enfin, il permet à d’autres, plutôt du côté du manche ou des « élites » de dénigrer avec aisance toute analyse déviant de quelque ligne officielle. Avancez une explication a priori incongrue d’un événement et vous entendrez bientôt résonner les trois mots qui condamnent : théorie du complot. Cela doit être l’équivalent du populisme jeté à quiconque entend critiquer l’ordre établi en politique.
Dans ce domaine, un qui prête en ce moment le flanc à l’accusation de populisme, c’est évidemment M. Donald Trump, candidat républicain à l’élection présidentielle aux Etats-Unis. Ne pourrait-on pas plutôt en dire qu’il s’agit d’un personnage (et non d’une personne) qui concentre à plaisir un certain nombre de tares ? Mal élevé, imbu de lui-même (il donnerait presque un air humble à n’importe quel Ubu en titre – et il y en a), improvisant son programme au fil des jours et selon ses humeurs… S’il n’a point trop de succès, sa rivale démocrate lui devra une fière chandelle (comment elle saura le remercier, je l’ignore) : pour un peu, ses foucades feraient oublier les « casseroles » dont Mme Clinton semble avoir de pleines armoires. Si elle et ses conseillers savent y faire, quelle aubaine pour sa petite affaire familiale que les frasques de M. Trump !
(Oui, je sais, ce qui nous attend en France en 2017 n’est guère plus brillant, puisque nous aurons sans doute à choisir parmi une brochette de démagogues azimutés où l’on trouvera quelques chevaux de retour. Laquelle brochette est en train de se coopter selon un système de « primaires » vaguement copié sur celui pratiqué en Amérique : si le yéyé envahit la politique, à présent… Soit dit en passant, relevons un fait qui invalide ce que prétendent nos experts en amerloquologie : les chevaux de retour existent aussi aux Etats-Unis ; la maison Clinton, M. Kerry ou, plus anciennement, feu Richard Nixon en sont les preuves.)
Alors, si j’étais complotiste, j’avancerais l’hypothèse que voici : et si M. Trump travaillait en sous-main pour Mme Clinton (pour preuve la maladresse de ses attaques contre celle-ci) ? Après tout, il me plaît parfois d’imaginer que Joseph McCarthy manifestait son anticommunisme d’une manière tellement absurde que c’est à se demander s’il n’était pas en fait un agent soviétique.
Reste une autre hypothèse, peut-être plus rationnelle : la bêtise. Le diable y a sa part. Ce n’est pas à exclure.

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