Encore une variation sur
mes chers « hussards », allez-vous penser. Pas tout à fait. Seul le
nombre nous en rapproche aujourd’hui : si, en 1952, dans l’article où
Bernard Frank leur donna ce sobriquet, lesdits hussards étaient trois (Nimier,
Laurent, Blondin), l’usage veut qu’on y ajoute Michel Déon, ce qui permet aux
amateurs de formules éculées de dire qu’ils étaient quatre, comme les trois
mousquetaires.
Il s’agit en fait de ce
dont bruisse la presse en ce moment : les livres, parus ou annoncés, de
quatre politiciens classés à droite, MM. Fillon, Juppé, Sarkozy et Copé. Leurs titres
respectifs – quand nous parvenons à les retenir – et les échos qui nous en
parviennent nous dispensent d’avoir à les lire pour nous en faire une idée.
D’un côté, il y a le Faire
de M. Fillon, et je ne sais plus quoi de M. Juppé. On sent ces deux messieurs
droits dans leurs bottes, le menton ferme au bout d’une mâchoire volontaire, l’œil
décidé. En résumé, deux vieux routiers viennent nous expliquer comment, s’ils
accèdent enfin à de hautes responsabilités, la France sera sauvée par leur
action.
D’un autre côté, La France
pour la vie[i]
de M. Sarkozy, et je ne sais plus quoi de M. Copé. Leurs grands yeux humides
semblent nous adresser des regards tristes et suppliants : ces deux-là, c’est
de l’amour qu’ils réclament ; ils aimeraient qu’on les comprenne enfin, qu’on
soit touché par leur humanité. D’ailleurs, pour le prouver, M. Sarkozy, à ce qu’on
sait, avoue des erreurs – oh, vénielles. Il ne les répétera pas, c’est promis. C’est
qu’il a changé. Comment ne pas le croire, d’ailleurs, le changement étant le
domaine dans lequel il a toujours montré la plus grande constance[ii] ?
Il est aisé d’imaginer
que de tels ouvrages ne relèvent pas de la haute littérature. Et de se rappeler
que la chose n’est pas d’hier : ces livres de circonstance, ces tracts
électoraux un peu étirés, laisseront dans les esprits la trace que laisse un
discours de politicien ; ils iront en rejoindre d’autres, de tous bords,
dans quelques greniers où ils feront les délices de la faune locale (souris,
araignées, mites…) ou dans quelques brocantes où ils feront celles de quelques
collectionneurs : même dans les domaines les plus farfelus, on en
rencontre.
Cependant, ces quatre
messieurs en sont sans doute toujours à rêver qu’ils libèreront la
croissance par leurs indispensables réformes, brisant enfin le carcan qui
étouffe les énergies de notre pays. Ce genre de libéralisme économique
promettant un ruissellement de richesses qui abreuvera jusqu’aux plus pauvres,
accordons à nos mousquetaires grisonnants qu’ils auront probablement contribué pour
une petite part à ce mythique ruissellement : quelques nègres,
vraisemblablement moins argentés qu’eux, ont dû y trouver leur compte.
Somme toute, s’il faut
absolument parler d’une droite littéraire (et si cette notion a un
sens), je préfère retourner à mes chers hussards, à leurs amis, pères, oncles
ou ce que vous voudrez (de Morand à Perret, par exemple[iii]). Et
même à Bernard Frank, qui était… de gauche[iv].
[i] Curieux titre. Il me
laisse perplexe. Pourquoi me fait-il penser aux cœurs gravés dans l’écorce des
arbres par de naïfs et solennels adolescents ? Ou, mieux, à des tatouages
que se ferait faire un matelot cynique ou étourdi ?
[ii] Jusqu’à provoquer de sévères
déconvenues chez ceux qui ne s’en étaient pas rendu compte. Qu’allaient donc
croire les gens de « Sens commun » (voir ici chez P. de Plunkett) ?
[iii] Pourquoi pas aussi à Pol
Vandromme, dont Une Indifférence de
rébellion vient de reparaître chez Pierre-Guillaume de Roux. Des critiques
littéraires inégales où viennent se nicher de belles pages sur le Hainaut et le
cours ardennais de la Meuse…
[iv] Puisqu’il est question d’écrivains,
ajoutons, pour saluer sa mémoire et pour Le
Roi des aulnes, Michel Tournier, ancien camarade de classe de Roger Nimier.
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