samedi 14 mars 2015

Nom de nom !

En relisant ces jours-ci une nouvelle de Flannery O'Connor[i], j’ai été amusé par un détail : l’héroïne de cette nouvelle[ii], une jeune femme docteur en philosophie qu’une lourde infirmité a aigrie, a pour plus grand plaisir de déplaire à sa mère ; en faisant changer son prénom, par exemple : appelée Joy par ses parents, elle deviendra Hulga ; pourquoi Hulga ? Parce que c’est laid et que sa mère ne pourra le supporter. Certes, l’effet est réussi, mais l’idée de cette demoiselle ne trahit-elle pas un esprit un peu trop systématique et somme toute assez vain ?
Travaux à l’UMP
Fidèles à leur tradition de patriotisme intransigeant, les cadres de l’UMP sont tout à leur mission : sauver la France. Leurs dernières réflexions à ce sujet ont amené leurs ardentes cervelles à une idée géniale : changer le nom de leur parti ! La France entière attend le nouveau nom qui jaillira de la masse de propositions, afin d’espérer enfin son salut. Nos amis les journalistes croient savoir qu’on hésiterait entre le Rassemblement et les Républicains. On murmure que ce dernier nom aurait les faveurs de M. Sarkozy lui-même !
Ne soyons point trop caustique : après tout, M. Dupont-Aignan, il y a quelques mois, a renommé lui aussi son parti, plus modeste, certes, que l’UMP : Debout la République est devenu Debout la France. Ce changement de nom n’est pas si sot : notre pays n’est ni « la République », ni « la Monarchie », ni même « la Démocratie aux élans sagement modérés par un sénat conservateur », ou que sais-je encore. Il a un nom : France. C’est pourtant simple, non ?
Pour ce qui est de l’UMP, je propose (bien que n’y militant pas) : le WQYZR. Pourquoi le WQYZR ? Premièrement, pourquoi pas ? Secondement, parce que cela ne signifie rien non plus. Qui se souvient du reste de la signification de l’acronyme UMP ?
Fascistes ?
Il y a quelques semaines, sur le site de Valeurs actuelles, je tombai sur des titres étranges, où il était question des « fascistes verts ». Compte tenu de l’ambiance du moment, je pensai tout d’abord à une allusion à ce que M. Valls avait nommé en janvier islamo-fascisme, mais la lecture des articles me détrompa : Valeurs actuelles désignait ainsi les zadistes installés sur l’emplacement prévu pour le barrage de Sivens.
Bien entendu, personne ou presque n’emploie de nos jours le mot fasciste dans une acception élogieuse. M. Valls, les rédacteurs de Valeurs actuelles, moi-même et quelques autres n’avons évidemment aucune sympathie pour les assassins qui se sont tristement illustrés en janvier à Paris. Et si les rédacteurs de Valeurs actuelles détestent les zadistes de Sivens (détestation que pour ma part je ne partage pas, quoique le genre punk à chien ne soit pas ma tasse de thé), c’est bien leur droit, que cela soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Mais en quoi accoler à ses ennemis l’épithète fasciste permet-il d’en connaître ou d’en comprendre quelque chose ? Le mot est usé au point que l’intention insultante de son emploi paraît passablement éventée. Autant dire ou écrire porcs, saligauds ou méchants. Cet usage hâtif et inutile me rappelle une scène de je ne sais plus quel épisode de Don Camillo : Peppone, le maire communiste, a été élu député ; profitant d’un débat à la chambre pour piquer une bonne méridienne, le voilà réveillé par des clameurs : « Fascistes, fascistes », crient ses camarades ; mû par la discipline du Parti, il se lève, brandit le poing vers l’orateur et se joint au chœur des insulteurs. Sans avoir aucune idée de ce dont il s’agit.
M. Valls et le Front national
Un parti politique qui a souvent été qualifié de fasciste en France, c’est le Front dit national[iii]. Vous souvenez-vous des slogans scandés il y a peut-être vingt ans par la belle jeunesse de gauche ? Allons, un petit effort ; c’était : « F comme fasciste, N comme nazi, à bas, à bas le Front national ! ». Comme si beugler des slogans débiles pouvait avoir quelque effet sur l’ascension d’un parti politique : il n’est besoin que de voir le succès de ce parti par les temps qui courent pour se faire une idée.
Ce succès semble affoler ce que l’on nomme par politesse les partis de gouvernement. Chacun de ces partis dénonce l’autre pour l’expliquer, tombant dans de fades parodies du fameux UMPS dénoncé par le FN : ce sera le FNUMP ou le FNPS. Pas fameux. Quelques esprits doctes tentent de nous faire entrer dans le cerveau que ce qui cause le succès du FN, c’est son habile exploitation de la peur : des étrangers, de l’Europe, de l’insécurité… C’est bien possible, mais que dire d’un premier ministre qui se lance dans de tonitruants discours pour dire sa peur du FN ? Qu’il a peur de la peur ? C’est à ne plus rien y entendre.
D’ailleurs, le volcanique M. Valls, tandis que l’UMP songe à un changement de nom pour sauver la France, s’emploie à faire campagne contre le FN, dont le possible succès aux prochaines élections cantonales (pardon : départementales) semble être pour lui le plus grand danger qui guette la France, l’Europe, le monde, au moins depuis Attila.
Dans ce registre, le spectacle fut total il y a quelques jours à l’Assemblée nationale : répondant à une diatribe où Mlle Maréchal-le Pen avait étalé ses minces talents d’oratrice[iv], M. Valls se lança dans son habituel tonnerre d’invectives, livrant en guise de péroraison ce qu’il crut sans doute être le coup de grâce : « Vous trompez les petites gens ! ». L’hypothèse n’est pas nécessairement à négliger, et l’on reconnaîtra qu’il n’est pas possible d’en dire autant du Parti dit socialiste : il y a longtemps que les petites gens ne se font plus aucune illusion à son sujet.
A quiconque voudra contredire le FN, un petit conseil : opposez-lui des arguments et des propositions. Le reste, c’est de la bouillie pour les chaînes d’information continue.
Pendant ce temps, la France (parmi d'autres pays) cherche une voie. Et un sens.



[i] Décidément !
[ii] Good Country People. J’ignore le titre de la traduction française. Cette nouvelle se trouve dans le recueil intitulé A Good Man Is Hard to Find (en français : Les Braves gens ne courent pas les rues).
[iii] Ne me félicitez pas pour cette pique. Je l’ai empruntée, quant au principe, à Léon Bloy qui, dans son journal vers 1910, évoqua « l’Action dite française ».
[iv] Elle est bien jolie, certes, mais son discours était dit d’un ton guindé, trop lu. Elle devrait demander conseil à sa tante – bon, sans trop chercher à imiter son grand-père : c’est amusant une fois, mais au bout d’un moment on s’en lasse.

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