Reconnaissons – sans vouloir
jouer les blasés – que certains jours poussent à croire que nous tournons en
rond.
L’Eglise et les tribunaux
Il y a dix jours ont eu lieu deux procès, fort
différents, qui avaient un rapport avec l’Eglise catholique : d’une part, à
Paris, celui des Femen qui, en
février 2013, avaient fait irruption à Notre-Dame de Paris pour se livrer à
leurs traditionnelles manifestations d’hystérie (tapage, exhibitionnisme,
violence, slogans débiles en anglais d’aéroport, vandalisme…) ; d’autre
part, à Saint-Etienne, celui du père Riffard, lequel était poursuivi pour avoir
hébergé des immigrés clandestins. Les susnommées Femen risquaient chacune une amende de 1500 euros, tandis que le
père Riffard risquait, lui, une amende de 12000 euros !!![i]
Dans les deux cas, il y eut relaxe. C’est désolant
pour ce qui est de Femen (d’autant
plus que ce sont les gardiens de la cathédrale qui ont écopé d’amendes avec
sursis pour de supposées brutalités) et réjouissant en ce qui concerne le père
Riffard.
Pas si vite ! Le parquet a fait appel dans les
deux cas : saluons donc le parquet de Paris, beaucoup moins celui de
Saint-Etienne[ii].
Dans une telle ambiance, le premier réflexe d’un
brave paroissien moyen comme moi est de s’indigner : c’est un scandale, on
en veut à l’Eglise catholique, on passe tout à des personnes qui manifestent
leur haine avec violence (et en commettant des actes manifestement illégaux[iii])
et on réprime des actes de charité.
Oui, mais n’est-il pas écrit qu’ils sont heureux,
ceux qui, parce qu’ils proclament la Bonne Nouvelle, ont à endurer moqueries et
insultes ?
Oui, mais c’est quand même scandaleux.
Oui, mais ne sont-ils pas…
… Je ne sors pas de ce dilemme.
Qui n’en est pas un : j’ai comme l’idée que les
deux termes sont justes. Ajoutons que nous ne sommes pas persécutés en France
aujourd’hui comme d’autres le sont ailleurs en ce moment[iv].
Les scandales dont il est question ici, tout réels qu’ils sont, peuvent donc être
endurés sans que d’immenses efforts soient nécessaires.
Mysticisme sarkozique
On est d’humeur mystique, à l’UMP, par les temps qui
courent : la prophétie du retour imminent de M. Sarkozy pour venir enfin
sauver la France éternelle, unique objet de ses soins et de ses pensées, se
fait entendre à nouveau. Bon, c’est devenu une habitude chez ces gens :
depuis bientôt deux ans et demi, il ne se passe pas trois semaines sans que les
amis de M. Sarkozy annoncent que les temps sont proches[v].
Apparemment, il y a des durs d’oreille à l’UMP qui, lorsqu’ils entendent le nom
Sarkozy, croient entendre Parousie. C’est une confusion
embarrassante. Quelqu’un pour leur crier qu’ils se trompent ?
Je pense en particulier à un certain nombre de
personnes qui se sont donné la peine de manifester contre le
« mariage » dit pour tous et qui pourraient penser qu’un retour de M.
Sarkozy au pouvoir enrayerait la mécanique qu’ils combattent ou ont combattue
fort à propos. Le bruit a couru ces derniers jours que M. Sarkozy, en privé,
aurait qualifié la Manif Pour Tous de
« fascisme en loden ». L’intéressé a aussitôt opposé un démenti en
prêtant cette expression à M. Jacques Attali et en précisant qu’il l’aurait
citée pour montrer à ses interlocuteurs de quel mépris est capable ce dernier
envers de si nombreux manifestants.
Je veux bien, mais premièrement les propos de M.
Attali ne sont pas toujours de M. Attali : qui sait où il sera allé
chercher une pareille expression ? Deuxièmement, si M. Attali est un être
assez odieux pour mépriser un million de manifestants, M. Sarkozy, dans son immense
sagacité, eût pu le pressentir au moment de le nommer, alors qu’il était
président de la République, à la tête de je ne sais plus quel comité Théodule
chargé de « libérer la croissance ».
Au fond, M. Sarkozy a un esprit moderne, très
moderne, post-moderne même : il est la source d’un flux continu de news (on ne peut même plus parler d’information à ce train) qui se déversent
sans souci de cohérence, celles du jour étant censées faire oublier celles de
la veille. Il faudrait quand même se rappeler que l’homme qui se présentait en
2007 comme le candidat de la rupture
était alors ministre depuis 2002 sans discontinuer… Et qu’entre 2007 et 2012,
emporté par l’élan d’une campagne permanente, il avait toujours l’air de nous
dire : attendez un peu que je sois enfin au pouvoir, vous allez voir ce
que vous allez voir… alors qu’il y était, le sémillant jocrisse !
Du reste, peu me chaut que ces propos méprisants[vi]
émanent de M. Sarkozy ou de M. Attali. Entre l’opportunisme en Rolex du premier
(vaguement de droite pour faire homme), le modernisme technolâtre de bonne
coupe du second (vaguement de gauche pour faire humain) et le « fascisme
en loden », eh bien, je préfère encore le « fascisme en loden »,
bien que ne me sentant pas fasciste pour un sou. L’insulte me va au teint, je
l’encaisse sereinement. Sans la moindre envie de retourner mon loden, qui est
d’une étoffe bien trop épaisse.
[i] Le
parallèle a été fait par d’autres, avant moi, ici par exemple.
[ii] Quoi
qu’on pense des flux migratoires, un immigré, même clandestin, est un
homme ; et s’il est près de moi, eh bien c’est mon prochain. Le
comportement du père Riffard est, dans un contexte chrétien, tout à fait juste.
Et même vertueux. Un point, c’est tout.
[iii] Il
sera tentant de comparer le traitement fait à ces Femen-là avec celui d’une de leurs petites camarades, qui devrait
bientôt comparaître pour avoir démoli une statue de cire de M. Poutine au musée
Grévin : nous verrons bien si, à Paris en 2014, il est plus ou moins grave
de s’attaquer à une cathédrale qu’à un musée de cire, autrement dit lequel de
ces lieux est plus sacré que l’autre. D’ailleurs, ne faudrait-il pas enfermer à
vie les Femen au musée Grévin pour ne
plus avoir à en parler ? Cela aussi est assez tentant, d’autant que je ne
me rends jamais dans ce musée (cela posé sans aucun mépris pour le métier qui
consiste à confectionner des statues de cire ; un tel métier est
certainement délicat et difficile, ce qui mérite un certain respect).
[iv] En
Irak, par exemple : une pensée pour nos frères chrétiens persécutés, et
aussi pour leurs compatriotes yézidis...
[v] Cette
traversée du désert richement
documentée, je ne sais pourquoi, me rappelle François Mitterrand, pénétrant au
Panthéon, en 1981 : l’homme s’avance, une rose à la main, seul au milieu
des grands hommes… seul avec une équipe de télévision, quand même !
[vi] Et
dénués de sens : il est toujours plus facile de coller à un mouvement une
étiquette infamante que d’essayer de le comprendre lorsque l’on ne sait trop
comment le récupérer (dans le cas de la droite décomplexée du genre Sarkozy) ou
que l’on ne trouve pas d’argument rationnel à lui opposer (dans le cas de la
gauche moderne du genre Attali). C’est à peu près aussi ridicule que lorsque
l’on entend des libéraux traiter le pape François de vilain marxiste et tout et
tout.
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