samedi 14 juin 2014

Vanitas vanitatum

Vers l’âge de dix-neuf ou vingt ans, lorsque j’étais en taupe, un camarade et moi exprimions parfois la velléité, devant la sensation de vanité que nous éprouvions dans nos dures études, de mener une vraie vie, en devenant par exemple poètes-voyageurs. Ne me demandez pas ce que cela signifie, et j’ignore si, comme moi, ce camarade, depuis longtemps perdu de vue, a trahi cette vague espérance. Mais il est des jours où je sens comme un aiguillon : et si je changeais de vie ? Allez savoir : peut-être est-ce l’effet de la crise de la quarantaine ou d’une autre bêtise psychologisante du même genre, dont je suppose que les magazines et la littérature populaires sont remplis. Si c’est une midlife crisis, je veux bien, car cela m’amènera jusqu’à quatre-vingt-quatre ans.
La vieillesse est une sieste
Un qui se trouve quelque part entre quarante-deux et quatre-vingt-quatre ans (un tantinet plus près des quatre-vingt-quatre ans que des quarante-deux), c’est M. Fabius. Son dernier exploit, s’il faut en croire la grosse presse, c’est la somnolence qui l’a pris lors d’un déplacement en Algérie. Qui, déjà, a écrit que la vieillesse est un naufrage ? Chateaubriand ? Ou je ne sais plus qui de célèbre cherchant à l’imiter ? Quelle que soit la réponse à cette question, il semble que pour M. Fabius la vieillesse soit plutôt une bonne sieste.
Quelle importance ? Aucune. Si ce n’est pour la grosse presse l’occasion de ne pas nous informer sur ce que pense (ou ne pense pas), dit (ou ne dit pas) ou fait (ou ne fait pas) M. Fabius, qui est après tout notre ministre des affaires étrangères, à propos de bien des sujets sérieux, voire effrayants – comme ce qui se passe en ce moment en Irak[i]. Ni de l’avis de M. Hollande à de tels sujets, s’il en a un.
On embauche à l’Elysée
En ce qui concerne M. Hollande, peut-être l’entend-on peu s’exprimer sur des sujets aussi graves parce qu’il est fort occupé en ce moment. Pensez donc : il a procédé au remplacement de quelques-uns de ses conseillers. Ainsi, parmi les nouveaux admis, se trouve Mme Nathalie Ianetta, nommée conseillère chargée des sports. Car, oui, le président de la république a besoin d’un conseiller chargé des sports. Est-ce pour entretenir sa forme ? Je l’ignore. En revanche, un article du Figaro m’apprend que la dame, âgée de quarante-deux ans, parlait jusqu’ici de foutebôle sur Canal + et que, selon ses désormais anciens employeurs, elle « avait besoin d’air, de changement ». Et, comme chacun le sait, avec M. Hollande, le changement, c’est maintenant.
Loin de moi l’idée de juger ces motifs. D’ailleurs, j’aurai moi-même quarante-deux ans à l'été et, comme je l’ai expliqué plus haut, il m’arrive aussi d’éprouver un besoin de changement. Pourquoi, d’ailleurs, n’offrirais-je pas à M. Hollande de profiter de mes compétences ? En matière de plaisanteries absurdes, par exemple.
Pâtisseries
Il a été récemment question d’un projet de réforme des régions. Sans nous attarder sur les détails, contentons-nous d’observer que ce qui a été mis en avant est l’importance qu’il y a à passer de vingt-deux à quatorze régions en France, en procédant ici et là à la fusion de deux régions limitrophes.
Soit, soit, mais pourquoi quatorze, et pas douze ou dix-sept ? On l’ignore. Pourquoi faire cette réforme sans revoir les limites des régions actuelles, voire des départements ? On l’ignore aussi. En fait, on ignore à peu près tout des raisons de ce projet, si ce n’est qu’il est censé faire faire des économies et qu’il aurait été esquissé en vitesse sur un coin de table à l’Elysée. A ce propos, certains ont dit que désormais « bricolage et bâclage sont les mamelles de la France »[ii]. On pourrait aussi bien dire découpage et coloriage. Et, du reste, pourquoi se limiter à des régions limitrophes ? Lors d’une discussion avec des amis, il y a quelques semaines, nous nous amusâmes à proposer des noms de nouvelles régions pour leur sonorité. Je proposai Alsace-Auvergne[iii].
Bref, tout cela semble un rien primesautier. Bien que l’on nous ait lourdement conditionnés ces derniers mois en nous rebattant les oreilles du mille-feuilles administratif que serait devenu notre beau pays. A la réflexion, cette expression aurait dû nous éclairer : n’oublions pas que le palais de l’Elysée est sis faubourg Saint-Honoré ; autrement dit, en un lieu qui porte le nom du saint patron des pâtissiers[iv]. Mille-feuilles, Saint-Honoré : en somme, M. Hollande n’a pas besoin de conseiller chargé des plaisanteries absurdes.
Si ça continue, je vais me mettre à vous parler de foutebôle.



[i] Il y a en revanche d’excellents propos à ce sujet, chez Koztoujours
[ii] Ici, par exemple.
[iii] Proposition à laquelle il me fut répliqué que les spécialités culinaires de cette nouvelle région risquaient d’être un peu lourdes. Ayant des ancêtres, entre autres lieux, sur les versants méridionaux du Massif Central (pas en Auvergne, mais à côté) et sur les versants orientaux des Vosges, je ne suis pas de cet avis.
[iv] Et d’un gâteau portant le nom de ce saint.

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