Comme nous sommes en un temps de décadence, l’écume
de l’actualité est décidément un bon moyen d’en comprendre les ressorts. Nul n’ignore
(quoique) la proximité d’élections au parlement européen. Mais qu’avons-nous eu
comme arguments de campagne jusqu’à présent ? Et comment, dans ces
conditions, aller voter ? La question embarrasse divers politiciens,
partis ou organisations, en particulier pour ce qui est de nos amis les jeunes.
Va-et-vient sur le Rhin
Vous aurez peut-être entendu parler de récents
propos de M. Joseph Daul, élu du Parti Populaire Européen, sur ce qui devrait
inciter la jeunesse à s’intéresser à la vénérée construction européenne, tenus dans un entretien aux Dernières nouvelles d’Alsace :
« Quand
j'ai des groupes de jeunes visiteurs (au Parlement européen) qui me
disent que l'Europe ne sert à rien (...), je leur dis qu'à leur âge, à 18 ans,
quand je voulais aller à Kehl pour voir les films pornos qui étaient interdits
en France, il fallait parfois deux heures et demie pour passer la douane ! On
arrivait au cinéma et le film était terminé ! »
Il ajoute encore :
« Une
fois sur deux, j’avais oublié le porte-monnaie avec les marks. »
Bon nombre, dont moi, en ont pensé que si le seul
argument en faveur de l’ouverture des frontières et de la monnaie unique réside
dans la facilité pour aller voir des films pornographiques, c’est que la classe politique touche le fond en ce
moment, et que le fond est bien bas. Oui, mais aussi qu’en somme les adorateurs
de l’Union Européenne telle qu’elle a été bâtie n’ont finalement pas beaucoup
de justifications à fournir à cette œuvre.
On devrait ajouter que ces propos sont plutôt
méprisants envers les jeunes gens auxquels ils sont censés s’adresser : en
gros, tout ce qui pourrait intéresser des jeunes gens, c’est le cul[i].
Les européistes les plus acharnés, en Angleterre ou en Suède[ii],
par exemple, n’ont pas, autant que je sache, pensé à un argument analogue pour
intéresser la jeunesse, dans le domaine de l’ivrognerie. Imaginons un moment
cet argument massue : avec l’euro, ce sera facile d’aller vous coller d’homériques
bitures à Boulogne-sur-Mer ou à Copenhague[iii] !
C’est curieux, mais je n’ai pas encore entendu ce
dernier argument. Patience, la campagne n’est pas finie !
Quand on est jeune, on aime le fun
Quittons cependant le domaine de la beuverie. Boire,
c’est mal. Surtout pour les jeunes. Tandis que le sexe, c’est bien. Et, d’ailleurs,
les jeunes ne pensent qu’à ça. Les Jeunes
Européens l’ont fort bien compris pour inciter leurs contemporains à voter :
« Choisis qui tu veux dans ton
parlement », leur disent-ils, montrant une jolie demoiselle, mi-
inquiète, mi- ennuyée, qui semble hésiter entre deux bellâtres dont la virilité
est couverte d’un drapeau européen (voir ici). J’ignore qui elle choisira, et
je comprends l’inquiétude exprimée par son regard. Pendant ce temps, EELV
distribue des capotes sur l’emballage desquelles on peut lire : « Donnons vie à l’Europe ! »
Autant les propos de M. Daul relèvent simplement de
la grosse blague individuelle, là la stupidité devient une activité organisée,
concertée, industrielle.
Personne, à moins d’être complètement crétinisé, ne
saurait être dupe de tels « messages », qui suscitent déjà blagues et
remarques ici et là, comme « choisis par qui tu seras baisée » ; et, quant à donner vie avec une capote, la
manière de le faire demeure un mystère…
N’allons point, cependant, déplorer ce qui
serait une dérive strictement contemporaine : déjà, il y a trente ans, les
jeunes démocrates sociaux[iv]
affichaient un jeune et beau couple au bord de l’extase, avec le slogan « Fais-moi l’Europe ! » (voir
ici).
Le slogan, d’ailleurs, a été repris en 2009, cette
fois par les jeunes socialistes, dans
une vidéo dont un public adulte pourra apprécier la finesse ici (désolé si vous
avez cliqué sur le lien ; vous aurez apprécié la présence de capotes dans
ce petit machin).
En résumé, l’Europe (ou plutôt : l’Union
Européenne) expliquée à la jeunesse, c’est du fun, c’est-à-dire de la baise[v].
Surtout, aucun contenu. On ne sait jamais, nos amis les jeunes pourraient se
mettre à réfléchir.
L’enthousiasme d’une vieille pub
Le problème, vous l’aurez compris, réside dans l’application
de méthodes de marketing – et de leur corollaire, à savoir la publicité. La politique
– ou plutôt le discours qui en habille la misère – est conçue comme un produit
visant différents publics qu’il va falloir séduire plutôt que convaincre, avec
déclinaison d’une gamme pour chaque parti, afin de ratisser large, quitte à
paraître incohérent.
Comment en effet devancer la concurrence lorsque la
standardisation est telle qu’on finit par confondre les marques… pardon, les
partis ? Par la magie de la publicité, voyons ! La publicité pourrait
être définie comme une manière de faire acheter au chaland un produit pour d’autres
raisons que celles pour lesquelles il pourrait en avoir besoin.
Les partis politiques osant de moins en moins
promettre l’édification – enfin ! – du pays de cocagne[vi],
les voilà obligés de tout miser sur le « message » publicitaire. En oubliant
un détail : je n’ai jamais rencontré quiconque ayant acheté, par exemple,
une voiture parce que, « dans la pub à la télé », une beauté du
moment la conduisait.
Chagrin d’Europe dure toute la vie
J’avais émis le mois dernier (ici) une
hypothèse quant à un aspect somme toute anecdotique du récent remaniement
ministériel opéré par M. Hollande. En voici une autre, pour conclure le présent
article : comment, avec un ministre des affaires européennes portant le
beau nom de Désir, ne pas avoir envie, qu’on soit jeune ou vieux, de faire l’Europe ?
Quel sens de la com’,
quand même…
[i] Il faudrait dire à ce
vieux monsieur que, de toute façon, du cul, les obsédés de tout âge peuvent de
nos jours en trouver en abondance sur internet.
[ii] Deux pays hors zone Euro !
[iii] Dans ce dernier cas, il
faudra aussi faire passer le Danemark à l’Euro, soit faire d’une pierre deux
coups !
[iv] Des centristes ;
mais oui, il y a – ou il y eut – de jeunes centristes !
[vi] Ce pays merveilleux où l’on
trouve gratuitement deux variétés de saucisses : les blanches, qui
poussent dans la terre, et les rouges, qui poussent aux arbres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).