vendredi 9 mai 2014

Plaisir d’Europe ne dure qu’un moment

Comme nous sommes en un temps de décadence, l’écume de l’actualité est décidément un bon moyen d’en comprendre les ressorts. Nul n’ignore (quoique) la proximité d’élections au parlement européen. Mais qu’avons-nous eu comme arguments de campagne jusqu’à présent ? Et comment, dans ces conditions, aller voter ? La question embarrasse divers politiciens, partis ou organisations, en particulier pour ce qui est de nos amis les jeunes.
Va-et-vient sur le Rhin
Vous aurez peut-être entendu parler de récents propos de M. Joseph Daul, élu du Parti Populaire Européen, sur ce qui devrait inciter la jeunesse à s’intéresser à la vénérée construction européenne, tenus dans un entretien aux Dernières nouvelles d’Alsace :
« Quand j'ai des groupes de jeunes visiteurs (au Parlement européen) qui me disent que l'Europe ne sert à rien (...), je leur dis qu'à leur âge, à 18 ans, quand je voulais aller à Kehl pour voir les films pornos qui étaient interdits en France, il fallait parfois deux heures et demie pour passer la douane ! On arrivait au cinéma et le film était terminé ! »
Il ajoute encore :
« Une fois sur deux, j’avais oublié le porte-monnaie avec les marks. »
Bon nombre, dont moi, en ont pensé que si le seul argument en faveur de l’ouverture des frontières et de la monnaie unique réside dans la facilité pour aller voir des films pornographiques, c’est que la classe politique touche le fond en ce moment, et que le fond est bien bas. Oui, mais aussi qu’en somme les adorateurs de l’Union Européenne telle qu’elle a été bâtie n’ont finalement pas beaucoup de justifications à fournir à cette œuvre.
On devrait ajouter que ces propos sont plutôt méprisants envers les jeunes gens auxquels ils sont censés s’adresser : en gros, tout ce qui pourrait intéresser des jeunes gens, c’est le cul[i]. Les européistes les plus acharnés, en Angleterre ou en Suède[ii], par exemple, n’ont pas, autant que je sache, pensé à un argument analogue pour intéresser la jeunesse, dans le domaine de l’ivrognerie. Imaginons un moment cet argument massue : avec l’euro, ce sera facile d’aller vous coller d’homériques bitures à Boulogne-sur-Mer ou à Copenhague[iii] !
C’est curieux, mais je n’ai pas encore entendu ce dernier argument. Patience, la campagne n’est pas finie !
Quand on est jeune, on aime le fun
Quittons cependant le domaine de la beuverie. Boire, c’est mal. Surtout pour les jeunes. Tandis que le sexe, c’est bien. Et, d’ailleurs, les jeunes ne pensent qu’à ça. Les Jeunes Européens l’ont fort bien compris pour inciter leurs contemporains à voter : « Choisis qui tu veux dans ton parlement », leur disent-ils, montrant une jolie demoiselle, mi- inquiète, mi- ennuyée, qui semble hésiter entre deux bellâtres dont la virilité est couverte d’un drapeau européen (voir ici). J’ignore qui elle choisira, et je comprends l’inquiétude exprimée par son regard. Pendant ce temps, EELV distribue des capotes sur l’emballage desquelles on peut lire : « Donnons vie à l’Europe ! »
Autant les propos de M. Daul relèvent simplement de la grosse blague individuelle, là la stupidité devient une activité organisée, concertée, industrielle.
Personne, à moins d’être complètement crétinisé, ne saurait être dupe de tels « messages », qui suscitent déjà blagues et remarques ici et là, comme « choisis par qui tu seras baisée » ; et, quant à donner vie avec une capote, la manière de le faire demeure un mystère…
N’allons point, cependant, déplorer ce qui serait une dérive strictement contemporaine : déjà, il y a trente ans, les jeunes démocrates sociaux[iv] affichaient un jeune et beau couple au bord de l’extase, avec le slogan « Fais-moi l’Europe ! » (voir ici).
Le slogan, d’ailleurs, a été repris en 2009, cette fois par les jeunes socialistes, dans une vidéo dont un public adulte pourra apprécier la finesse ici (désolé si vous avez cliqué sur le lien ; vous aurez apprécié la présence de capotes dans ce petit machin).
En résumé, l’Europe (ou plutôt : l’Union Européenne) expliquée à la jeunesse, c’est du fun, c’est-à-dire de la baise[v]. Surtout, aucun contenu. On ne sait jamais, nos amis les jeunes pourraient se mettre à réfléchir.
L’enthousiasme d’une vieille pub
Le problème, vous l’aurez compris, réside dans l’application de méthodes de marketing – et de leur corollaire, à savoir la publicité. La politique – ou plutôt le discours qui en habille la misère – est conçue comme un produit visant différents publics qu’il va falloir séduire plutôt que convaincre, avec déclinaison d’une gamme pour chaque parti, afin de ratisser large, quitte à paraître incohérent.
Comment en effet devancer la concurrence lorsque la standardisation est telle qu’on finit par confondre les marques… pardon, les partis ? Par la magie de la publicité, voyons ! La publicité pourrait être définie comme une manière de faire acheter au chaland un produit pour d’autres raisons que celles pour lesquelles il pourrait en avoir besoin.
Les partis politiques osant de moins en moins promettre l’édification – enfin ! – du pays de cocagne[vi], les voilà obligés de tout miser sur le « message » publicitaire. En oubliant un détail : je n’ai jamais rencontré quiconque ayant acheté, par exemple, une voiture parce que, « dans la pub à la télé », une beauté du moment la conduisait.
Chagrin d’Europe dure toute la vie
J’avais émis le mois dernier (ici) une hypothèse quant à un aspect somme toute anecdotique du récent remaniement ministériel opéré par M. Hollande. En voici une autre, pour conclure le présent article : comment, avec un ministre des affaires européennes portant le beau nom de Désir, ne pas avoir envie, qu’on soit jeune ou vieux, de faire l’Europe ?
Quel sens de la com’, quand même…


[i] Il faudrait dire à ce vieux monsieur que, de toute façon, du cul, les obsédés de tout âge peuvent de nos jours en trouver en abondance sur internet.
[ii] Deux pays hors zone Euro !
[iii] Dans ce dernier cas, il faudra aussi faire passer le Danemark à l’Euro, soit faire d’une pierre deux coups !
[iv] Des centristes ; mais oui, il y a – ou il y eut – de jeunes centristes !
[v] Pardon pour ce mot grossier, mais je crois finalement que le mot sexe ne convient pas. Le sexe, est une chose sérieuse : c’est ainsi que viennent les enfants. Ce n’est pas une cigogne qui les apporte, nonobstant le fait que M. Daul est Alsacien.
[vi] Ce pays merveilleux où l’on trouve gratuitement deux variétés de saucisses : les blanches, qui poussent dans la terre, et les rouges, qui poussent aux arbres.

 

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