vendredi 15 novembre 2013

Cinématographe (2) : le retour

Peut-être finirai-je par me laisser tenter et par retourner au cinéma. Voir Quai d’Orsay, le nouveau film de Bertrand Tavernier, par exemple ? Je ne suis pas sûr. Vu ce qui inspire ce film, je crois que nous avons notre lot de politiciens lyriques en ce moment…
 
Cinéma populaire (1) : les bonnets rouges à Paris
Aucun de nous n’aura échappé à cette nouvelle, en France en tout cas : le monsieur que ses fonctions élevées amènent souvent à fréquenter le palais de l’Elysée a été sifflé sur les Champs-Elysées lundi 11 novembre, par quelques individus coiffés de bonnets rouges. Pour refuser d’entrer dans toute vaine polémique, précisons que je trouve déplacés de tels sifflets et de telles huées à une telle date. Ceux qui tiennent absolument à le faire ont toute l’année pour cela. A moins de s’en lasser.
Un point à observer : dans la série des Bonnets rouges, il appert que les responsables de la production, en Bretagne, ont désavoué ces scènes. Il est vrai que brûler des portiques destinés à la collecte des taxes, c’est bien, tandis que siffler le Prrésident, c’est très dangereux !
 
Cinéma populaire (2) : dernière minute ?
Les histoires de bananes et de singes dont certains se font des gorges chaudes en ce moment me lassent aussi vite qu’elles sont apparues. Ici encore, une mise au point s’impose : les blagues racistes dont Mme Taubira fait l’objet en ce moment sont à mon avis aussi basses, vulgaires, stupides et dénuées de drôlerie que celles, disons, d’un Guy Bedos sur Mme Morano (mais, pardon, j’oubliais que quand c’est de Guy Bedos, c’est de l’humour).
Cela étant posé, quel besoin d’en faire une affaire d’Etat ? A entendre s’étrangler de rage tous nos vertueux politiciens, la Rrrépublique serait mise en danger par ces sordides âneries ? Pas bien épaisse, leur Rrrépublique !
N’en voulons pas trop cependant à ces modèles de vertu. Il se dégage de leurs cris d’indignation un certain souffle lyrique…
En ce qui concerne la dernière couverture de Minute, j’ignorais pour ma part que cette publication existait encore ? Qui la lit ? Je l’ignore. Le gouvernement, peut-être ? Dans ce cas, nos ministres m’inquiètent.
Quant à la désormais célèbre fillette qui, à Angers la semaine dernière, a crié à l’attention de Mme Taubira « Une banane pour la guenon », si c’est ça la France bien élevée… Notons au passage que la Manif pour tous a tenu à désavouer de telles stupidités, et c’est tant mieux. Il n’en demeure pas moins que les journalistes ont eu de quoi alimenter le cinéma permanent avec cela et chauffer les vertueux orateurs de la gauche-qui-a-toujours-raison et ceux qui se laissent intimider par elle.
Pour clore cette affaire, j’ai envie de donner un (modeste) conseil à Mme Taubira : celui de hausser les épaules devant de telles bêtises. Après tout, elle a très bien su le faire lorsque des propos bien plus sensés lui ont été tenus la saison passée.
 
Cinéma d’auteur
Pour un public plus restreint (je n’oserais dire plus choisi, ce qui serait un peu snob), relevons que, dans une affaire que j’avais déjà évoquée il y a un peu plus d’un mois (ici), la justice a imposé quelques caviardages à quelques rééditions, parmi lesquelles celle du Salut par les Juifs, de Léon Bloy. Apparemment, pour les juges, Bloy et Drumont, c’est la même engeance antisémite. De quoi se faire se retourner Bloy dans sa tombe, lui qui avait déjà eu pas mal d’avanies à encaisser de son vivant. Quelqu’un pourrait-il offrir à ces sages magistrats les œuvres complètes de Bloy pour leur faire voir s’il était antisémite ?
Mais je dois faire fausse route : il doit encore s’agir d’un moyen de nous dire qu’il ne faut pas admettre la libération de la parole raciste et antisémite. Y compris quand il s’agit de grande littérature, (je parle de Bloy, pas de Drumont, bien entendu). Ce qui constitue un pan plus élitiste de notre cinéma national.
 
Cinéma parano
Le cinéma est pour la plupart d’entre nous, la plupart des fois où nous y allons, un divertissement. On l’aura compris, je finis parfois par me demander si cette accumulation de saynètes graves et épiques pour les uns, consternantes mais comiques pour les autres est vraiment un hasard. Serait-on en train de nous amuser ? Tous ces groupuscules de siffleurs aux bonnets mal ajustés, ces obscurs folliculaires aux jeux de mots vaseux seraient-ils des agents provocateurs ?
Je sais, on va encore me renvoyer au cinéma, cette fois au genre de films paranoïaques produits à Hollywood dans les années 70 (avez-vous vu, par exemple, Les trois jours du condor ?). Sans croire vraiment à mon hypothèse, je crois me rappeler que les groupuscules plus ou moins extrémistes (de droite autant que de gauche) sont réputés être souvent copieusement infiltrés par la police, laquelle ne fait après tout que son métier. Quittons le cinéma et plongeons-nous dans la littérature, qui est souvent plus vraie : il n’est besoin que de lire, pour comprendre une telle interrogation, Le nommé jeudi (The Man Who Was Thursday) de Chesterton. Roman admirable, un brin paranoïaque, et délicieusement drôle, que je vous conseille.
Cela dit, il m’arrive de sourire en voyant le Prrésident et son gouvernement se faire huer où qu’ils aillent : ils me rappellent la fin d’un autre film des années 70, Jeremiah Johnson (avec Robert Redford, tout comme Les trois jours du condor).
Mais que ne suis-je paranoïaque ? Tout serait si clair pour moi…
 
Retour du monde réel ?
Toute cette agitation mérite nos rires, même navrés. Il faudra ensuite que nous retournions à des choses plus sérieuses. Car un de ces jours le monde réel reviendra… Et il ne sera pas content, comme on lit sur certaines affiches de films.
 
Post-scriptum
Ce sera un post-scriptum sérieux. On peut, et c’est le moins qu’on puisse faire, je crois, avoir une pensée, ou mieux, une prière, pour le père Georges Vandenbeusch, dont on sait qu’il vient d’être enlevé au Cameroun. Pour ceux qui le connaissent, pour ceux qui l’aiment ; pour les missionnaires et les otages en général aussi. Et même pour ses ravisseurs, bien que cela soit plus difficile.

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