samedi 14 septembre 2013

Quelques relevés absurdographiques

Comme je me proclame absurdologue, autant vous faire profiter de quelques notes alimentant la patiente et désintéressée étude de notre monde que je prétends mener. Nommons absurdographie la discipline qui consiste à prendre ces notes. Cette quête, digne des travaux de Sisyphe, ne saurait se passer de l’absurdométrie, qui est la mesure de ce monde. Ensemble, elles nourrissent cette haute science – encore peu formalisée – que je prétends servir et que je nomme absurdologie.
Il est à regretter, toutefois, que l’absurdométrie n’en est qu’à ses balbutiements, voire à ses vagissements, les instruments qui la servent étant ces temps-ci facilement détruits (trop sensibles, peut-être). Patience !
Fumisteries
C’est là le titre d’une anthologie parue chez Omnibus en 2011 et que j’ai enfin pris le temps de lire sérieusement. Précisons qu’elle est sous-titrée Naissance de l’humour moderne, 1870-1914. Elle procure le plaisir ou la joie de relire quelques textes déjà connus ou disponibles par ailleurs – de Bloy (tirés surtout des Histoires désobligeantes et de l’Exégèse des lieux communs), de Villiers de l’Isle-Adam (principalement tirés des Contes cruels) ou encore d’Alphonse Allais – mais aussi de découvrir quelques autres plumes et cerveaux loufoques comme on en trouvait au Chat noir ou parmi les fumistes, les hydropathes et les zutistes.
Ma préférence va, parmi, ces oubliés, à un certain Gaston de Pawlowski – peut-être pas le plus drôle, mais assez prophétique quant à certains traits de notre époque, notamment en matière d’ennui, d’uniformité et d’absence de goût. Bien sûr, on y trouve aussi des noms allant de Flaubert à Jarry, en passant par Barbey, Huysmans, Cros…
Comme ces textes sont courts, il est possible de les lire aussi bien en bûcheron de la première à la dernière page – il y en a un bon millier – qu’en picorant selon son plaisir, son goût ou ses intérêts, voire au hasard, lequel est parfois un déguisement que revêt par humilité la Providence.
Un tel recueil permet de s’interroger sur notre époque : ne serions-nous pas devenus les personnages d’une longue épopée qu’essaierait d’écrire un hydropathe sévèrement attaqué par l’absinthe ?
Une chance au grattage ?
Qu’on en juge plutôt : récemment, un homme, ayant perdu la foi, a demandé à la paroisse où il avait été baptisé de faire rayer son nom du registre des baptêmes. En somme : d’annuler son baptême. Devant le refus de cette paroisse, le voici qui décide d’attaquer celle-ci en justice. Et qui l’emporte !
(Ici, chers lecteurs, vous n’aurez qu’à imaginer une ligne faite d’un savant entrelacs de points d’exclamation et de points d’interrogation, du meilleur effet à mon avis.)
La paroisse ayant fait appel, ce jugement a, Dieu merci, été annulé.
A ce sujet, j’ai apprécié deux remarques de Victor Loupan, entendues hies sur Radio Notre-Dame : les esprits modernes semblent avoir perdu de vue le fait qu’un baptême n’est pas l’adhésion à un parti politique (j’ajouterais pour ma part : ni à une société de pêche) mais un sacrement qui ne saurait être « défait » ou « annulé » ; et, si c’était le cas, pourquoi ne pas exiger que la Seine coule d’ouest en est ?
 
Sur les ondes
Pendant ce temps, une autre radio, France-Culture, proclame, tambourine et trompette sa présence ce week-end à la Fête de l’Huma. On ne refera pas nos amis les gens de gauche (journalistes ou artistes), qui se sentent encore obligés d’apprécier la conversation du cadavre d’un vieux bandit.
Je sais : je devrais quand même finir par comprendre que le communisme visait de nobles idéaux, ce qui le rend éternellement admirable, en dépit de tout ce qu’il s’avéra être.
 
Qui ???
Je me suis laissé dire qu’un homme dont le nom m’échappe, quoique je me rappelle qu’il m’évoque curieusement une province des Pays-Bas, et à qui des rumeurs prêtent de hautes fonctions dans notre belle France a prévu de parler dimanche soir au journal de 20h d’une chaîne de télévision connue pour louer du temps de cerveau à une pharmacie d’Atlanta qui a mal tourné…[i]
Eh bien, je n’en pense rien. Si ce n’est que je me félicite de ne plus avoir depuis quelques années un poste de télévision chez moi.


[i] Avez-vous compris quelque chose ? Peut-être un atavisme scandinave explique-t-il mon goût immodéré pour les périphrases ? Borges a étudié la chose bien mieux que je ne saurais vous le dire dans son Essai sur les littératures germaniques médiévales.

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